Formation
La Synthèse Additive
A droite, les partiels tels qu'on les dessine ; à gauche, visualisation dans un oscilloscope.
Si la synthèse soustractive reste reine - elle est moins lourde que d'autres méthodes et convient aux pseudo-analogiques dont certains raffolent -, les concepteurs tentent régulièrement de quitter ce domaine fort encombré. L'une des pistes est, contraste oblige, celle de la synthèse additive. Au lieu de tailler dans un bloc de fréquences à coups de filtres comme un sculpteur dans un bloc de marbre, on empile. Fourier et son théorème nous apprennent que tout son est décomposable en une série d'ondes sinusoïdales, les plus simples des sons ; la synthèse additive consiste donc à fabriquer un son complexe en ajoutant l'un à l'autre des sons simples. Ce qui est plus facile à dire qu'à faire, et s'est souvent traduit par un labeur de fourmi. Dans le domaine des instruments virtuels, on a assisté ces dernières années à plusieurs tentatives de domestiquer l'additif : ConcreteFx propose son Adder, riche en possibilités mais d'abord assez peu aisé ; Whitenoise Audio donne à son Additive un aspect visuel original ; un instrument aussi respecté qu'Absynth, de Native Instruments, recourt lui aussi à l'additif. Morphine vient d'enrichir la gamme Image-Line. Progressaudio propose son Soup (pour tout potage ?) …
Pourquoi cette faveur ? Sans doute parce que la synthèse additive est plus précise que sa sœur soustractive et permet des créations que cette dernière n'atteint que difficilement. On peut en dire autant de la synthèse FM, mais les résultats de cette dernière sont plus imprévisibles. La méthode additive peut s'avérer fastidieuse, mais sa logique ne tient pas du casse-tête ou du rébus physique.
En pratique, découvrir cette synthèse n'est pas bien mystérieux. Vous pouvez faire sa connaissance, sous une forme simplissime, via un mini-programme assez ancien nommé WaveModeler, disponible par exemple ici .
Si vous préférez débuter sur un instrument virtuel plus moderne (mais moins simple), téléchargez une démo d'un instrument additif, vous y verrez généralement un écran dans lequel vous pourrez tracer des barres verticales. Chacune de ces barres représente une harmonique, un partiel. Les coordonnées horizontales des barres représentent la hauteur tonale, leur hauteur représente le volume. Traçons une première barre le long du bord gauche de l'écran, jouons une note, nous entendons une vibration douce, celle d'une sinusoïde, la forme d'onde la plus "soft". Elle sera plus ou moins audible selon la hauteur de la barre (le volume de l'harmonique). Ajoutons une barre plus petite immédiatement à la droite de la première. La première harmonique est maintenant doublée à l'octave. Continuons avec une troisième harmonique, à droite de la deuxième : voici la quinte. En poussant plus loin cet empilement, et en réduisant le volume de chaque partiel par rapport à son voisin de droite, nous en arrivons à un son bien plein, et familier aux habitués de la synthèse soustractive : celui d'une onde en dent de scie ("sawtooth"). D'ailleurs, le synthétiseur virtuel Adder, de Concrete FX, nous permet de visualiser à la fois la série d'harmoniques utilisée et la forme d'onde ainsi produite : voici notre onde en dent de scie.
Eliminons maintenant les harmoniques pairs, le son se transforme, devient creux : typique de l'onde carrée, et la visualisation dans Adder confirme notre diagnostic.
Mais si quelques partiels plus sauvages font irruption vers la droite de l'écran, le contenu en fréquences aigües fait un bond, et la forme d'onde nettement moins lisse que les précédentes traduit bien ce changement de physionomie.
Et voilà pourquoi, sur beaucoup de synthétiseurs additifs, on ne trouve pas de filtre : le rôle qu'un filtre remplit dans un instrument soustractif est rempli par notre choix d'harmoniques (encore qu'un filtre puisse s'avérer une agréable cerise sur le gâteau). Avec cette différence que nous pouvons facilement "faire notre marché", choisir par exemple de laisser un creux entre le huitième et le onzième partiel, mais donner au douzième beaucoup de volume, ce qui le mettra d'autant plus en valeur que les fréquences immédiatement inférieures dans l'échelle des harmoniques seront absentes. Peut-être pas de filtre, mais très probablement des enveloppes, des modulations, des morphings, sans quoi nous nous trouverions devant un son assez statique, rappelant celui des orgues - premier exemple de synthèse additive, le célèbre Hammond avec ses neuf tirettes préfigurant des instruments plus récents -.
Il faut donc faire varier le son additif dans le temps - ce qui est plus facile à dire qu'à faire -. Car émuler un filtre qui obéit à une enveloppe, ou l'évolution d'une note de guitare passant du "dur" au "doux" après le coup de plectre n'est pas évident s'il faut le faire en empilant des harmoniques. C'est là le défi majeur de la synthèse harmonique : offrir une puissance impressionnante sans imposer une complexité décourageante ou un travail de fourmi. Mais de plus en plus, les concepteurs relèvent brillamment le défi. Certains ajoutent à la palette l'utilisation d'échantillons (par exemple pour les attaques des sons), ou la resynthèse, qui permet de jouer sur les harmoniques d'un son non pas né de l'instrument mais préexistant, et chargé dans celui-ci. Pour en savoir plus, voyons trois exemples concrets, le Adder de ConcreteFX, le Additive de WhiteNoise Audio et le Morphine de Image-Line.