Test / Critique/ Essai/ Review
Arturia ARP 2600V
Le plus moderne des rétros ?
(cliquer pour agrandir)
- L’ARP 2600 s’est couvert de gloire dans les années ’70. La lignée ARP 2500 - ARP 2600 - ARP Quadra représentait l’une des seules familles susceptibles de faire jeu égal avec les prestigieuses créations de Robert Moog,
et…
- Oui grand-papa, mais est-ce que je peux m’en servir pour faire de la musique d’aujourd’hui ?
Certes. Après tout, petit prétentieux, ce qui a été bon pour The Who et Pink Floyd ne peut pas te faire de tort. Parmi les utilisateurs de l’ARP 2600, on compte aussi Stevie Wonder, Jean-Michel Jarre, Depeche Mode, Edgar Winter, Roger Glover (Deep Purple), Mike Oldfield, Vince Clarke, Tangerine Dream, Herbie Hancock, Klaus Schultze et John Lennon.
Pas la peine de chercher un ARP 2600 aux puces ou sur eBay, les chances d’en trouver un sont mincissimes, mais Arturia, après avoir recréé trois classiques (Mini Moog, Moog Modular, Yamaha CS-80) sous forme virtuelle, vous propose désormais un 2600 logiciel . Rien à voir avec les sympathiques graticiels sur lesquels les débutants peuvent faire leurs premiers pas en synthèse…
Pourquoi tel gratifiant graticiel présente-t-il en tout une douzaine de boutons (qui suffisent d’ailleurs parfois pour faire beaucoup de choses) et l’ARP2600V se hérisse-t-il d’autant de potentiomètres, d’entrées, de sorties et de câbles ? Un tout petit mot d’introduction pour ceux qui ignorent la réponse. Un synthétiseur est un appareil composé de modules, des composants ayant chacun un rôle. Dans beaucoup de synthétiseurs, le son suit un trajet fixe de module en module. Par exemple, un oscillateur produit un son, et ce son passe ensuite dans un filtre qui le modifiera. Ensuite, dans un effet qui rajoute, disons, de l’écho. Tout cela sera sans doute plus complexe, mais sans qu’il soit possible de modifier l’ordonnancement que le concepteur a prévu. Certains synthétiseurs, modulaires ou semi-modulaires, vous permettent beaucoup plus de fantaisie créatrice. Il est possible de déterminer soi-même quelle trajectoire le signal sonore va suivre, de module en module, entre des dizaines de trajectoires possibles (et parfois d’ajouter des modules à son gré). Pour ce faire, nos ancêtres reliaient les modules par des câbles. Avec les recréations logicielles de ces synthétiseurs, on retrouve le même geste, mais bien sûr nous tendons des câbles virtuels, dirigés du bout de la souris. (L’ARP2600V permet aussi de réaliser des connexions, moins spectaculairement, via un menu). Cela implique, évidemment, beaucoup plus de recherche, d’apprentissage et de temps. Le jeu en vaut-il la chandelle ? A vous de savoir ce que vous visez.
Le son :
Evidemment, on ne résiste pas à la tentation de comparer au Moog Modular V du même concepteur. Moins large, moins gras, moins majestueux, le timbre de base est plus dur, plein de punch. Il ne manque pas d’ampleur, mais le muscle est plus saillant. Donnez par exemple à la bestiole un bon son de base bien corsé, désaccordez les oscillateurs sans faire dans la dentelle, ajoutez une bonne rasade de variation cyclique de la largeur d’impulsion, et servez le tout sur une petite séquence bien agressive : votre ARP sera heureux et restera longtemps en bonne santé. S’il fallait tracer une échelle allant de « romantique » à « âpre », l’auteur de ces lignes classerait dans l’ordre, parmi les créations de la firme française, le CS-80, le Moog Modular, le MiniMoog, et enfin le ARP 2600. Mais ces différences ne sautent pas aux yeux - ou aux oreilles – de la même façon pour tous les types de sons. Tout cela repose sur une technologie très efficace dite TAE, dont, depuis que je l’ai rebaptisée « Tarte Aux Epinards », j’ai peine à me rappeler qu’elle signifie en réalité « True Analog Emulation », et dont le but dans la vie est d’assurer une reproduction fidèle du son analogique en évitant les petites déformations qu’entraîne souvent sa traduction en numérique.
Les 400 sons d’usine se révèlent généralement bons, bien sûr, mais les plus intéressants, à part quelques basses absolument sidérantes, nous ont semblé les plus synthétiques : effets, nappes et séquences. Nos collègues du magazine « Sound On Sound » se sont livrés à une véritable étude, oscillomètre à l’appui, pour déterminer si le son du 2600V était ou non semblable à celui de l’original, pour aboutir à la conclusion « Cela dépend ». Reste à voir si cette question n’est pas plutôt d’ordre historique, et si l’intérêt du logiciel ne sera pas plutôt, pour beaucoup d’entre nous, dans ses possibilités.
Les composants :
Moins vertigineux que le Modular, cet instrument-ci a quand même de quoi vous inspirer une crainte salutaire. Impossible d’entrer dans les détails, mais posons quand même les bases : trois oscillateurs synchronisables pouvant servir de LFO et 
disposant d’options différentes, un générateur de bruit (coloré, rose ou blanc), un LFO à quatre formes d’onde utilisables en même temps vers diverses sorties et synchronisable au tempo, , une entrée pour signal extérieur, un mixeur, un filtre multimode (l’original ne possédait qu’un filtre passe-bas), un VCA, deux enveloppes, un modulateur en anneaux, un échantillonneur-bloqueur (sample and hold), un séquenceur, un mixeur permettant de router sept entrées (audio ou modulation) vers une ou plusieurs sorties… Cela devrait suffire à votre bonheur, mais il faut encore ajouter quelques gâteries. Par exemple, un « electro switch », qui - comme chacun sait – sert à faire alterner régulièrement deux sources de modulation - facile et amusant -. Et surtout, un, euh, générateur de tracking, qu’Arturia a rajouté au design original (de même que la polyphonie, le MIDI, la synchronisation d’oscillateurs, le suivi du clavier pour le filtre…). Imaginez un petit écran sur lequel vous pouvez dessiner une forme d’onde à votre fantaisie (avec crayon, lignes, gomme, 
sinusoïdes) : eh bien, cette ligne va servir de modulation pour … tout ce que vous voudrez. Un super LFO complètement configurable ! Et des lignes semblables, vous pouvez en créer jusqu’à quatre ! Et si cela ne vous suffit pas, ces modulateurs peuvent eux-mêmes être modulés par d’autres sources !
N’oublions pas les effets : réverbération (émouvant effort pour 
recréer en digital le « booîîng » de la réverbération à ressorts originale…), retard et (excellent) chorus, ces deux derniers ne figurant pas sur l’original. N’oublions pas non plus la possibilité de faire entrer un signal audio externe dans l’ARP 2600 V.
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