Bob Moog :
mort d'un nom commun (2)
(début de l'article)
Bob Moog sut concentrer l’essentiel de cette puissance dans un instrument que l’on pouvait tenir sous le bras, où une quarantaine de boutons (ce qui n’est pas rien, mais n’avait aucune commune mesure avec les immenses panneaux de contrôle des modulaires) permettaient de jouer d’une versatilité stupéfiante et de déchaîner une puissance musicale ravageuse.
C’était transportable. Super. Une révolution pour bien des groupes. C’était d’un prix accessible. Nickel. Quel progrès. Mais là n’était peut-être pas l’essentiel. L’essentiel, Rick Wakeman, claviériste star des ‘70s, l’a résumé en disant « Pour la première fois, vous pouviez rendre au guitariste à côté de vous sur scène la monnaie de sa pièce ». Sur scène, répliquer à la pédale overdrive du guitar hero en lançant votre filtre en auto-oscillation. Sur scène, répondre au solo de gratte en tordant vous aussi vos notes, grâce au pitch-bend. Sur scène, clouer le public par l’explosion soudaine d’une basse hyper grasse et hyper classe. Et tout cela, avec une gestuelle, de grands mouvements de sorcier pour torturer les potards, des mimiques inspirées au-dessus de vos mimines déchaînées, jusqu’à la théâtralité de Keith Emerson qui calait ses notes en plantant des poignards entre les touches. Bref, de la sensualité, du physique, de l’extase, du fun. Ensuite, dépucelé à coups de rock, le synthé était mûr pour entrer dans les petits studios, les clubs, les garages, couiner de plaisir sous les mains jazzy du renard Hancock, jouer la courtisane au bras de Jean-Michel Jarre, se prostituer dans le « Pop Corn » de Hot Butter, et bien d’autres avatars glorieux ou lamentables.
Alors pourquoi tant de chercheurs brillants sont-ils simplement des pionniers, estimables, ou même inestimables, alors que Bob Moog est un mythe, un Père Fondateur ? Pourquoi le Minimoog a-t-il été ce qu’il a été, pour les musiciens, mais aussi pour l’image de son créateur, qu’il a installé « ailleurs » que ses pairs ? Peut-être pas fondamentalement pour des raisons de technologie ou de marketing. Peut-être à cause de la sensualité, du physique, de l’extase, du fun. Du spectacle, de la communication, du chaud, du vécu. Du corps. Donc de l’humain. Ce qui semble loin des LFO, des filtres et des oscillateurs, mais ne l’est pas nécessairement.
Et il me plaît de penser que ce qui vaut sa place sur le podium et dans nos cœurs à Robert Moog, c’est d’avoir rendu ce rapprochement tellement possible, tellement plausible, parce que Bob Moog était, pas seulement un technicien de génie, pas seulement un musicien amoureux du son, mais le porteur, comme l’écrit le critique du film, de cette « philosophie de Moog de la relation entre les êtres vivants et la technologie », et que cette philosophie était née en lui parce qu’il était « un humaniste de la vieille école ».
« Et que si c’est pas sûr,
C’est quand même peut-être ».
Tom Goldschmidt. 22/08/2005.
Photos de Robert Moog : www.arturia.com
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